« Je crois en un seul Dieu »

Croire, oui. Mais croire en quoi, en qui ? Il est très difficile de trouver aujourd'hui des gens qui ne croient pas. Mais, bien souvent, cette « foi » s'est aussi sécularisée, et on croira : en soi, dans des « valeurs », au progrès, aux autres, etc.
Donner sa foi, c'est s'en remettre à quelque chose d'autre.
Croire en soi laisse perplexe : on peut et il faut, dans une certaine mesure, avoir confiance en soi, mais on voit mal comment cette « foi » peut nous faire échapper à notre propre fragilité.
La foi doit donc faire référence à autre chose. Si cette foi a quelque ambition, ce quelque chose doit n'être pas changeant (qu'est-ce qui est stable dans les prétendues « valeurs » toujours relatives aux temps et aux lieux ?).
Telle l'ancre du bateau qui met, pour l'assurer, ce qu'il y a de mouvant en contact avec le sol ferme ou le rocher, la foi de l'homme le relie à ce quelque chose qui est hors de lui, hors de ce monde.
Ainsi la raison nous permet de concevoir (sans le comprendre !) une origine à l'univers, une antériorité, une puissance, peut-être même une volonté.
C'est là qu'entre en jeu la foi religieuse : depuis le début de l'humanité l'homme a cherché à entrer en contact avec cette force qu'il a nommée « Dieu » ; cette force a donc quelque chose de personnel, ce n'est plus « quelque chose », mais bien « Quelqu'un ».
La foi religieuse est diverse : ce « Dieu » peut être multiple (polythéisme) et revêtir des aspects contradictoires : puissance hostile qu'il faut apaiser ou bienveillante, étrangère aux hommes ou gouvernant chaque détail de la marche du monde. Dans cette religion naturelle subsiste la nostalgie des premiers temps où l'homme est sorti des « mains » de Dieu, mais son chemin l'a progressivement éloigné de lui et cette recherche spirituelle a petit à petit été livrée à elle-même, conduisant à toutes les aberrations. Cependant le cœur et la raison, alliées à une conscience droite ont toujours orienté l'humanité vers la conception d'un Dieu unique.
Répondant à cette aspiration, Dieu n'a pas rompu le contact et n'a cessé de se révéler dans le secret des cœurs et des intelligences. Mais il a voulu, d'une manière toute spéciale le faire auprès d'un peuple : le peuple juif, pour lequel il a multiplié ses attentions en vue du salut de tous.
Et cette « Révélation », nous offre bien un Dieu unique, personnel, bienveillant, qui se manifeste à un peuple au destin duquel il se lie et dont il attend une réponse d'amour, dans une exigence de justice.
C'est vers ce Dieu d'Abraham que converge le regard des fils d'Israël et des fils de l'Eglise.

 

Croit-on tous au même Dieu ?

Juifs, chrétiens, musulmans croient en un seul Dieu. D'autres croyants encore, qui ne se réclament d'aucune religion acceptent volontiers l'existence d'un Dieu unique.
« Puisqu'il n'y a qu'un Dieu, entend-on souvent, nous ne pouvons croire qu'au même Dieu », et pourtant... S'il n'y a qu'un Dieu, il est effectivement le même pour tous, d'un point de vue absolu, objectif.
Mais la connaissance que nous en avons peut être différente et son image ainsi perçue peut revêtir des aspects très variés et même contradictoires. Voltaire écrivait avec sa plume sarcastique : « Dieu a fait l'homme à son image et l'homme le lui a bien rendu ! », au sens où les hommes ont aussi la capacité de se créer un Dieu comme ils l'entendent et à leur mesure.
Il ne suffit pas de dire que Dieu est Dieu et qu'il est unique pour l'avoir défini tel qu'il est.
Ainsi le Dieu des athées (car eux aussi ont un Dieu : celui auquel ils tournent le dos) est un Dieu dont je ne suis pas le fidèle, moi aussi je rejette ce Dieu-là. Car si le Dieu qu'ils se sont faits ou qu'on leur a présenté était celui de Jésus-Christ - dans son authenticité - ils ne pourraient que l'aimer et se laisser aimer par lui.
Le Dieu des musulmans, tel qu'il apparaît de façon multiple dans le Coran et à travers ce que nous offre l'Islam ne peut être identifié au Dieu de Jésus-Christ, même si un musulman peut avoir subjectivement une attitude juste vis-à-vis de son Dieu.
Seul le Dieu des Juifs qui résulte de l'authentique révélation d'abord offerte au peuple d'Israël peut être considéré comme le vrai Dieu, comme notre Dieu, à la différence près que cette image reste encore imparfaite tant qu'elle ne conduit pas à la révélation plénière donnée en Jésus-Christ. Ce qui est sûr, c'est que je ne peux rejeter aucun des éléments que le croyant juif attribue à Dieu, puisque Dieu ne peut se contredire dans la révélation qu'il fait de lui-même.
Si cela lui a coûté cher, très cher de se révéler à travers le mystère de l'Incarnation, de la mort et de la Résurrection, c'est que cela valait la peine pour nous, de le connaître ainsi.
Mieux le connaître pour mieux l'aimer, mieux l'aimer pour mieux le connaître : ce double mouvement qui a inspiré les Pères de l'Eglise doit encore nous animer pour ne pas rester à un à-peu-près, dans une paresse de l'intelligence et du cœur qui fait offense au sang qu'il a versé pour se révéler de manière authentique et nous conduire ainsi au salut, par un chemin désormais incontournable.

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