« Crucifié pour nous sous Ponce Pilate. »

 

 Curieusement, après avoir évoqué la naissance de Jésus, le Credo passe immédiatement à la crucifixion, sans parler de l'enseignement et des gestes que le Christ a posés tout au long de sa vie publique. Parce que le Credo n'a pas pour but de nourrir notre piété ni même notre morale – ce que fait la lecture hebdomadaire de l'Evangile – mais il exprime le contenu de la foi. Or toute la vie de Jésus, ses miracles, ses paroles n'ont qu'un but : celui d'annoncer le Salut, essentiellement accordé aux hommes à travers le mystère de l'Incarnation et celui de la Croix et de la Résurrection. Sans Incarnation, l'aventure personnelle d'un homme n'aurait pu être que limitée et sans autre effet que pour lui-même, et l'Incarnation est tout entière orientée au partage de la mort et au don de la vie, réalisés aux jours de la Passion.
« Ponce Pilate »... Le mot le plus important du Credo selon le cardinal de Lubac, comme je l'ai déjà évoqué !
Il ne s'agit pas pour nous de juger et d'accabler chaque dimanche ce fonctionnaire romain partagé entre la loyauté envers l'Empire et la trouble intérieur causé par la rencontre du Seigneur. Tout au plus pouvons-nous prier pour lui au passage. Mais cette mention est avant tout une indication chronologique : le calendrier actuel n'existe pas à l'époque ... et pour cause ! La datation d'alors se fait soit à partir de la fondation de Rome, soit plus communément par la citation des magistrats en place. Ponce Pilate constitue en outre une indication géographique : il était « préfet » de Judée. Il avait échappé comme beaucoup d'hommes de l'Antiquité au domaine de l'archéologie : il n'était connu que par les sources littéraires chrétiennes et par un historien juif du premier siècle qui avait évoqué aussi la figure du Christ, jusqu'en 1961 où des archéologues retrouvèrent dans les ruines de Césarée maritime une pierre portant le nom de Ponce Pilate et sa fonction.
Le citer, c'est affirmer l'historicité d'un événement qui s'est inscrit dans le temps et dans l'espace, qui est la vie de Jésus. Ce que nous proclamons n'appartient pas au domaine des mythes, de l'abstraction ou de la construction philosophique, c'est un fait historique, une révélation, le surgissement du divin dans notre univers et dont les contours appartiennent au monde matériel qu'il est venu précisément sauver et racheter.