5) Les objections de l'Église sur la PMA

Famille Chrétienne 1er février 2018 Par Antoine Pasquier

 

Trop souvent tu, l’ensei­gnement de l’Église sur les finalités du mariage explique les raisons de son opposition aux techniques de procréation artificielle.

C’est la pierre d’achoppement. Le point d’incompréhension d’un grand nombre de couples catholiques en es­­pérance d’enfant. Que l’Église condamne la fécondation in vitro en raison de l’instru­mentalisation d’embryons, tout le monde acquiesce. Qu’elle rejette l’insémi­nation artificielle avec donneur, puisque l’enfant à naître le sera avec les gamètes d’une tierce personne, bien entendu. Mais pour­quoi juge-t-elle illicite le recours à l’insé­mi­nation au sein même d’un couple (dite homologue), alors qu’elle n’implique ni manipulation d’embryon ni donneur extérieur ? Après tout, cette technique ne fait que donner un « petit coup de pouce » à des couples inféconds. Or, c’est mal connaître l’Église que de la confondre avec un simple comité d’é­thique : sa ré­flexion ne se limite pas aux questionnements éthiques que pose la technique, mais s’appuie sur une pensée morale et anthropologique cohérente.

Trop souvent oubliée ou occultée, son ob­­jection vis-à-vis de l’insémination entre époux trouve sa racine dans son enseigne-ment sur les finalités du mariage qui affirme « le lien indissoluble, que Dieu a voulu et que l’homme ne peut rompre de son initiative, entre les deux significations de l’acte conjugal : union et procréation » (Humanae vitae, 12). « Le récit de la Genèse rappelle que Dieu a fait l’homme et la femme complémentaires et leur a donné ce commandement : “Soyez féconds et multipliez-vous”», explique le Père An­­toine de Roeck, curé de Pontivy et enseignant à l’Institut de théologie du corps. « Ils sont procréateurs, c’est-à-dire qu’ils sont appelés à participer, dans leur relation d’amour, à la Création qui est elle-même un acte de l’amour intratrinitaire. » C’est sur ce plan de Dieu que se fonde Donum vitae, texte magistériel de référence sur la procréation artificielle. « La génération d’un enfant devra être le fruit de la donation réciproque qui se réalise dans l’acte conjugal où les époux coopèrent à l’œuvre de l’Amour créateur », indique le document pontifical édité en 1987.

La procréation devient une manipulation technique

« Avec la fécondation artificielle, la procréation n’est plus le fruit d’une union physique amoureuse entre les conjoints », résume Mgr Nicolas Brouwet, évêque de Tarbes et Lourdes, membre du groupe de travail des évêques sur la bioéthique. « Elle devient l’objet d’une ma­­nipulation technique en dehors du corps de l’homme et de la femme. Est-il juste qu’une personne soit appelée à la vie dans ces conditions ? Est-ce digne de notre hu­­­­manité ? » C’est la question que posait déjà, sans aucune ambiguïté, Donum vitae, il y a plus de trente ans : « L’enfant à naître […] ne peut être ni voulu ni conçu comme le produit d’une intervention de techniques médicales et biologiques ; cela re­­viendrait à le réduire à devenir l’objet d’une techno­logie scientifique. » Celui-ci « a le droit […] d’être le fruit de l’acte spécifique de l’amour conjugal de ses parents » (Donum Vitae, 8).

Anthropologique et morale, la réflexion de l’Église recouvre aussi, et évidemment, une dimension spirituelle. Religion de l’In­­carnation, le catholicisme rejette le dualisme qui sépare le corps et l’âme. L’en­seignement de l’Église sur la double signification de l’acte conjugal se fonde également  sur cette unité de l’homme, corps et âme spirituelle. « L’origine de l’être humain résulte d’une procréation liée à l’union non seulement biologique, mais aussi spirituelle des parents », expliquait saint Jean Paul II en janvier 1980.

Or, cette union spirituelle est effacée dans la procréation artificielle, gommant en même temps la dimension eschatologique de la communion des corps. « À force d’être fixés sur notre vie terrestre, nous mettons de côté la perspec­tive d’être sauvé et de voir réunis notre âme et notre corps glorieux à la fin des temps. On manque alors de pers­pective sur la dignité humaine et la vé­­rité de l’homme, regrette le Père de Roeck. De manière générale, il y a un véritable déficit dans la foi des fidèles sur la présence de Dieu et de son œuvre dans nos vies. On a du mal à croire que Dieu agit concrètement », même dans notre « infécondité » corporelle. « Il y a un aspect dif­ficile à aborder à notre époque, c’est celui de notre abandon à Dieu et d’accepter que l’on ne commande pas la fécondité de notre amour. Il y a d’autres manières que la pro­création pour montrer sa fécondité. »

La parole de l’Église « ne se veut jamais une parole de condamnation », tient à souligner le Père de Roeck à l’attention des couples ayant déjà eu recours à ces techniques. « L’Église propose toujours le cheminement qui est le meilleur pour le bien de tous et de chacun. » Un chemin que certains peuvent juger difficile à suivre, mais qu’il est possible d’emprunter avec un accompagnement pastoral adapté. Sur ce point, l’Église doit encore faire des progrès.