Mgr ReyConseils à un chrétien pour ce temps d’épidémie

par Mgr Dominique Rey - Évêque de Fréjus-Toulon

L’épidémie de Covid-19 frappe de plein fouet notre pays et toute l’Europe. Ce virus, pourtant microscopique, met en difficulté les systèmes de santé, paralyse nos modèles économiques et sociaux qui se prévalaient de la vertu des déplacements et des flux pour performer toujours plus. Dans notre « société liquide », le coronavirus retourne contre nous-mêmes ces mobilités liées à la mondialisation. Celle-ci devient un piège et suscite une psychose collective, qui parfois suscite de fausses interprétations apocalyptiques qui font fi de la providence divine.

 

Nous voici de plus en plus cantonnés et les mesures de confinement risquent peut-être de s’aggraver. Privés de déplacements, rivés à nos domiciles par crainte de la propagation de la maladie, nous sommes ainsi conviés à travers cette épreuve nationale et familiale qui handicape les plus défavorisés et la vie des familles, à prendre la mesure spirituelle de ces événements. L’impact économique et financier de cette pandémie sera considérable et peut conduire à générer des troubles sociaux, et à remettre en cause significativement nos modes et niveaux de vie.

Cette crise sanitaire que notre pays a déjà traversée dans le passé (choléra, peste, grippe espagnole… et autres calamités), nous invite à une triple attitude :

  1. Sens du bien commun (Lc 5, 17-26). Face à ce fléau nous ne pouvons pas nous en sortir par nous-mêmes et nous avons besoin que s’exprime, au sein même de nos communautés chrétiennes, une authentique charité fraternelle, vis-à-vis des personnes à risque qui sont encore plus cantonnées dans leur isolement, vis-à-vis des personnels de santé mobilisés sur tous les fronts, vis-à-vis des personnes âgées et malades… Solidarité aussi avec les pouvoirs publics qui doivent prendre des dispositions drastiques et des mesures de restrictions impopulaires afin d’assurer la sécurité sanitaire. Les chrétiens doivent donner l’exemple du respect du bien commun et porter le souci de fraternité qui fait partie de la devise républicaine mais qui relève au point de départ du vocabulaire chrétien. Nous sommes attendus sur le terrain de l’exemplarité et de l’homogénéité.
  2. Jeûne (Act 14, 23). Les chrétiens comme les autres croyants ne peuvent plus pratiquer de façon publique le culte dans les églises. Nous mesurons le drame spirituel de cette prescription pour tous ceux qui reconnaissent dans l’Eucharistie la Présence réelle du Seigneur qui nous rassemble pour former en Lui un seul Corps. Ce jeûne sacramentel creuse davantage notre faim de Dieu. Il nous met aussi en communion avec ceux et celles qui ne peuvent pas habituellement bénéficier de ce Repas Pascal, source et sommet de notre vie chrétienne, ni des autres grâces sacramentelles, notamment le pardon obtenu par la confession. Nous devons offrir ce jeûne en réparation pour toutes les fois où nous avons par notre tiédeur et notre indifférence, manqué d’attention et de respect au Seigneur présent dans l’Eucharistie.
    En ce temps de Carême, ce jeûne qui nous est imposé, prend aussi la forme de restrictions de nos activités professionnelles et d’amputations dans nos loisirs, moments de détente, rencontres d’amitié. Nous devons les offrir au Seigneur en communion avec les souffrances du Christ en sa Passion et les épreuves de beaucoup de nos contemporains.
  3. Intériorité (Mt 6, 6). Ne plus pouvoir nous déplacer, sauf pour des motifs restreints, ne plus pouvoir aller à la Messe et à l’église, nous oblige à réinventer d’autres formes de communion fraternelle en famille et avec ceux qui nous sont proches. Les nouveaux moyens de communication sociale, notamment internet, nous offrent la possibilité de développer des réseaux de soutien et de communion spirituelle. Ces circonstances nous conduisent, à défaut de pouvoir nous déplacer physiquement à l’extérieur, à réinvestir notre propre intériorité et à vivre ce temps de Carême comme une retraite spirituelle. Nous sommes invités à approfondir la vie de prière, à découvrir ou redécouvrir notre famille comme une Église domestique, à déployer des ritualités à domicile (prière du matin, du soir, bénédiction du repas, oraison devant une icône ou un crucifix…) et à nous confier tous à la protection de la Vierge Marie (chapelet, chaîne de prière mariale…). C’est le sens de la prière commune que je vous propose au début de ce courrier.

Cette épreuve que nous traversons appelle une croissance dans notre vie théologale de foi, d’espérance et de charité. Foi en cette certitude que le Seigneur ne nous abandonne pas. Charité pour tisser des liens nouveaux spirituels avec une attention privilégiée pour ceux qui restent seuls ou fragilisés. Espérance : confiance que Dieu nous attend au bout du chemin et qu’Il nous y accompagne.

J’invite chaque communauté chrétienne à investir ou à inventer des nouvelles formes de relations et d’accompagnement des fidèles : retransmission télévisuelles ou numériques, réseaux sociaux (Whatsapp, Facebook, YouTube…) et à organiser des chaînes d’intercession. Pour nourrir la prière et le chemin de conversion en ce temps de Carême, chaque pasteur aidera à la constitution « d’églises domestiques » en offrant à chacun et à chaque famille l’accès à la Parole de Dieu et des propositions spirituelles de sanctification adaptées à cette situation inédite. Toute épreuve vérifie notre confiance en Dieu et la qualité de notre communion fraternelle. C’est en s’appuyant sur le Seigneur et sur nos frères et sœurs que nous porterons à nos contemporains inquiets et déstabilisés le témoignage de l’Espérance.

J’invite les communautés chrétiennes à demander l’intercession de la Vierge Marie. Elle est notre avocate et protège notre diocèse qui lui est consacré. Vous pourrez inviter les fidèles à réciter quotidiennement le chapelet. Dans ce sens, je propose une prière commune qui pourra être récitée dans notre diocèse :

Mère de la divine Grâce,
En ce temps d’épidémie, nous sollicitons votre intercession.
Sous l’abri de votre miséricorde, nous nous réfugions,
Sainte Mère de Dieu.
Ne méprisez pas nos prières
Quand nous sommes dans l’épreuve,
Mais de tous les dangers
Délivrez-nous toujours,
Vierge glorieuse et bénie.
Amen.
Notre-Dame de Grâces, priez pour nous,
St Joseph, priez pour nous,
St Roch, priez pour nous.

+ Dominique Rey
Évêque de Fréjus-Toulon